Le salarié bénéficie du respect de son droit à la vie privée en temps et lieu du travail. Cela permet notamment à ce dernier d’utiliser les outils professionnels (téléphone, tablette, ordinateur) à des fins personnelles de manière raisonnable : consulter des sites, échanger des SMS, des mails..
Les outils professionnels mis à la disposition du salarié peuvent être utilisés à des fins personnelles, à condition que l’utilisation soit raisonnable (1), et que le salarié ne méconnaisse pas son obligation de loyauté à l’employeur. Autrement dit, il ne faut pas que le salarié abuse de son droit.
QU’EST-CE QU’UNE UTILISATION RAISONNABLE DE L’OUTIL PROFESSIONNEL ?
Il ressort de la jurisprudence que le salarié ne peut par exemple pas passer 41 heures par mois sur un site non-professionnel, autrement il commettrait une faute grave.
Plus encore, la nature-même des sites consultés peut constituer une faute.
La jurisprudence prend en compte la nature de la tâche à accomplir dans son appréciation de la raisonnabilité de l’utilisation : selon le poste occupé, la même utilisation des outils professionnels à des fins personnelles sera plus ou moins considérée comme raisonnable.
LA PREUVE D’UN USAGE DÉRAISONNABLE
L’employeur qui souhaiterait opposer à son salarié une faute née de son usage déraisonnable de l’outil professionnel doit en rapporter la preuve. Autrement dit, l’employeur devra prouver l’identité du salarié propriétaire des fichiers ou encore celui qui s’est connecté.
Lorsque le mot de passe des ordinateurs professionnels n’est composé que des initiales des salariés, l’identité du salarié n’est pas automatiquement prouvée.
L’EMPLOYEUR DOIT-IL AVOIR ACCÈS AUX FICHIERS SUR MON ORDINATEUR PROFESSIONNEL ?
La Cour de cassation (2) admet que le salarié puisse faire respecter son droit au respect de la vie privée au travail.
Le secret des correspondances du salarié est donc protégé à une condition : que les éléments soient clairement identifiables comme étant personnels au salarié.
Il existe une présomption du caractère professionnel des éléments sur l’ordinateur professionnel du salarié. La présomption permet à l’employeur d’accéder librement à tous les fichiers de l’ordinateur, sauf à ceux qui sont expressément identifiés comme personnels.
Lorsque les fichiers sont personnels, l’employeur peut tout de même les consulter en présence du salarié ou ce dernier dûment appelé (Cass. soc., 17 mai 2005 n°03-40.017).
Malgré tout, en cas de circonstances exceptionnelles, l’employeur pourra y accéder : c’est l’exemple d’une urgence. Par exemple, cela peut être le cas d’un risque dans la sécurité du réseau intranet de l’entreprise.
Lorsque vous êtes malade ou absent, l’employeur peut vous demander les codes de votre ordinateur professionnel, voire de votre mail professionnel : il vous faut les transmettre, autrement le salarié commet une faute (4).
COMMENT APPELER UN FICHIER SUR L’ORDINATEUR PROFESSIONNEL POUR QU’IL SOIT CONSIDÉRÉ COMME PERSONNEL ?
Ni le prénom du salarié, ni la dénomination par ses initiales ou encore « mes documents » ne suffisent (5).
Préférez nommer vos documents « Fichier privé».
Dans le cas d’une messagerie mail personnel, l’origine-même du mail suffit à lui donner son caractère non-professionnel.
L’UTILISATION DE LA PREUVE OBTENUE PAR DES DOCUMENTS PERSONNELS
En principe, ce qui relève de la vie personnelle ne peut servir de preuve sans violer le droit au respect de la vie privée et être par conséquent déloyale et irrecevable.
Néanmoins, la Cour de cassation (6) a admis qu’une preuve violant le droit à la vie privée d’un salarié puisse être recevable si elle est nécessaire à l’exercice du droit de la preuve, proportionnée au but poursuivi.
Plus encore, les juges (7) ont admis que l’illicéité d’une preuve n’entraîne pas automatiquement son rejet des débats. Autrement dit, les juges auront à apprécier l’ampleur de l’atteinte au droit à la vie privée du salarié et l’exercice du droit à la preuve.
En cas de circonstances exceptionnelles telles qu’un risque ou évènement particulier, l’employeur peut saisir la justice pour obtenir l’autorisation d’effectuer un constat sur l’ordinateur du salarié.
(1) L.1131-1 du C. du trav. : Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
(2) Cass., soc., arrêt Nikon du 2 octobre 2001, n° 99-42.942.
(3) Cass. soc., 15 décembre 2010, n°08-42.486.
(4) Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 17-28.448.
(5) Cass. soc., 10 mai 2022, n° 11-13.884.
(6) Cass. soc., 30 septembre 2020, n°19-12.085.
(7) Cass. soc., 10 novembre 2021, n°20-12.263 ; Cass. soc., 8 mars 2023, n°21-17.802.
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